Comment bien vieillir avec son tatouage?

Comment bien vieillir avec son tatouage?

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Bien qu'il soit synonyme d'éternité, le tatouage permanent vieillit inéluctablement, à mesure que la peau mûrit. Voilà entre autres pourquoi se faire tatouer est un acte appréhendé, souvent accompagné de cette question fatidique: "De quoi aurai-je l'air à 80 ans?" Pourtant, nombreux sont aujourd'hui les tatoués seniors fiers d'exposer les souvenirs d'une vie encrés dans leur chair. Comment entretenir son tatouage? Comment apprendre à vieillir avec? Quelles solutions envisager en cas de regret?

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Le temps passant, un tatouage garde rarement l'éclat de ses premières années. Il y a donc plusieurs facteurs à prendre en considération avant de passer le seuil d'un salon de tatouage.

Les emplacements à privilégier, le choix du dessin

La zone du corps choisie, qui devra faire face au relâchement cutané et aux variations de poids, est sans doute l'un des éléments les plus déterminants. "Avec l'âge, certaines parties de notre corps; comme le ventre et les cuisses, connaissent des affaissements ou des vergetures, ce qui aura un impact sur le tatouage", prévient Marie Jourdan, dermatologue installée au Centre Laser International de la Peau à Paris. "Il y a aussi des zones de frottement où la couche cornée va être régulièrement renouvelée, ce qui va modifier le tatouage, comme sur l'avant-bras, les doigts ou le haut des cuisses."

Le choix du dessin est également important. Un motif trop fin peut facilement s'estomper avec le temps. A l'inverse, un motif trop gros, qui implique des traits remplis avec beaucoup d'encre, peut baver. "Par exemple, une tête de chien réaliste finit forcément par se modifier un peu. Préférez un dessin non figuratif, qui pose moins de problème au regard vingt ans plus tard", conseille le Dr Marie Jourdan.

Exposition au soleil et protection

Autre facteur: l'exposition au soleil trop fréquente, qui peut tanner les couleurs du tatouage. "Le noir va devenir un peu bleu-vert et le violet peut carrément virer", poursuit-elle. Le mieux est donc de privilégier des couleurs sobres, et d'éviter les nouveaux pigments multicolores, brillants voire fluorescents, "dont on ne connaît pas vraiment l'origine et dont on ne peut prédire le vieillissement", prévient-elle.

Une fois votre tatouage réalisé, il est important d'en prendre soin en apportant un soin particulier à son hydratation et en le préservant le plus possible des rayons UV. N'oubliez pas, en particulier, de protéger votre tatouage si vous l'exposez au soleil en été, en appliquant dessus de la crème solaire indice 50.

Des petits gestes exécutés par Marine Auger, auto-entrepreneuse de 42 ans, qui vient de s'offrir ses deux premiers tatouages. En dépit de ces précautions, elle se remémore ne pas avoir "vraiment pensé au vieillissement de (sa) peau au moment de les faire". "Mes tatouages sont personnels. Ils sont pour moi, à moi. Mes enfants ont été les plus choqués. Pour eux, c'est un truc de jeune, et pas de 'vieille'..."

"J'ai deux ou trois tatouages foireux, mais je les aime pour ce qu'ils représentent"

Malgré l'avis négatif de sa progéniture, Marine Auger pense repasser sous l'aiguille du dermographe prochainement, incarnant ainsi une génération d'adultes qui assument leurs tatouages, sans avoir peur de vieillir avec.

Pour l'anthropologue et sociologue français David Le Breton, auteur du livre Signes d'identité, nombreux sont aujourd'hui les hommes et femmes d'un certain âge qui sont fiers de leurs tatouages -sans doute aidés par leur popularisation depuis dix ans. "Les personnes qui regrettent leur tatouage restent assez minoritaires", constate-t-il. "Même quand un tatouage est vieux, qu'il a un peu débordé, son propriétaire a tendance à le regarder avec attendrissement car ça lui rappelle un moment de sa vie."

Un sentiment partagé par l'Australo-Canadienne Angie Bird, réalisatrice du documentaire You Won't Regret That Tattoo, dans lequel des tatoués de plus de 50 ans racontent l'attachement indestructible qu'ils éprouvent pour leurs tatouages. "J'entends souvent les adultes dire aux plus jeunes de ne pas se tatouer parce qu'ils vont le regretter plus tard", commente-t-elle. "Mais je n'ai jamais adhéré à cette idée. C'est un discours tenu par des peureux. J'ai deux ou trois tatouages foireux, mais je les aime pour ce qu'ils représentent, même s'ils ne sont pas très beaux."

Solutions en cas de regret: le recouvrement ou le laser de détatouage

Bien qu'il ne concerne pas la majorité des tatoués, le regret de s'être fait tatouer existe pourtant. Selon une étude menée par l'institut de sondage YouGov en 2015, sur les 24% d'Américains qui possédaient au moins un tatouage, le quart (22%) déplorait cet acte.

Pour David Le Breton, ce phénomène touche surtout les personnes qui se sont fait tatouer très jeunes: "Il y a ceux qui ont choisi leur tatouage sous une forme de consumérisme, parce que les copains étaient tatoués, ou ceux qui avaient des idées radicales à cet âge-là et se retrouvent avec des symboles qui ne sont plus en accord avec leurs idéaux. À ce moment-là, le tatouage devient un stigmate."

D'où l'apparition de techniques permettant de faire disparaître le tatouage, comme le recouvrement, qui consiste à dissimuler le tatouage regretté sous un nouveau, plus gros, derrière lequel il finit par s'éclipser. "J'ai eu mon premier tatouage à 16 ans, c'était une petite initiale que je m'étais faite sur l'avant-bras, avec de l'encre de Chine et une aiguille", raconte Eric Petaut, 54 ans, propriétaire d'une boutique de jouets de collection à Paris. "Mais bon, c'était un peu moche quand même, surtout que je l'avais fait avec la main gauche, donc je l'ai fait recouvrir assez rapidement par un as de pique... et par un vrai tatoueur!"

Autre solution si le tatouage est trop imposant ou si l'on désire vraiment le faire disparaître de sa chair: le laser de détatouage. "C'est un laser qui illumine la peau avec une longueur d'onde extrêmement précise", détaille le Dr Jourdan. "Cette lumière va être absorbée par l'encre de votre tatouage qui va en partie exploser sous l'effet de l'onde de choc. Votre système immunitaire va alors reconnaître tous ces fragments d'encre comme des corps étrangers et les éliminer de votre corps par les suintements et le circuit lymphatique, puis les croutes."

L'opération peut s'avérer douloureuse. "On a l'impression qu'on nous brûle la peau,", relate Adelaïde, 29 ans, qui souhaite venir à bout d'un serpent enroulé autour de sa cheville, tatoué alors qu'elle était en vacances sur l'île de Pâques, il y a neuf ans. J'ai la chance que mon tatouage soit sur une petite zone car les séances ne durent que 5 à 6 minutes. En tout cas, c'est sûr: je ne me ferai plus jamais tatouer."

De son côté, Eric Petaut s'est récemment fait tatouer une large pièce, très loin de la petite initiale recouverte de ses 16 ans, puisqu'il s'agit d'un imposant dragon qui lui court de l'épaule à la fesse. "Comme je l'ai fait tard, j'ai plus de chance qu'il vieillisse dans de meilleures conditions. Ma peau a déjà vieilli!". Le quinquagénaire ne compte pas s'arrêter là: "J'ai un ami qui tatoue dans la tradition japonaise, le tebori, qui recouvre tout le corps. C'est tentant...".

Tatouage dragon Eric Petaut

Eric Petaut s'est récemment fait tatouer un imposant dragon qui lui court de l'épaule à la fesse. "Comme je l'ai fait tard, j'ai plus de chance qu'il vieillisse dans de meilleures conditions. Ma peau a déjà vieilli!".

© / Courtesy of Eric Petaut

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